Lettres

Si aujourd’hui, l’université de Nîmes propose aux étudiants des formations en Lettres et en Langues, l’histoire nous apprend qu’il était déjà question de lettres à l’époque de la citadelle et de la prison.

Un salon littéraire dans la citadelle

Madame la Baronne de Bourdic
Madame la Baronne de Bourdic (1744-1802) – Académie de Nîmes

Entre 1780 et 1788, la citadelle est en passe de devenir une prison politique, elle est alors gouvernée par le major de la ville, le Baron de Bourdic. Son épouse, l’écrivaine Henriette de Bourdic-Viot, tient quant à elle un salon littéraire dans son appartement doté d’une grande terrasse qui surplombe la « porte à la coquille » (l’actuel bureau de la présidence)1.

Celle-ci avait même obtenu l’autorisation de l’Intendant de la province d’organiser des pièces de théâtre parmi lesquelles « La Forêt de Brama » opéra en 3 actes qu’elle avait elle-même écrit.

La Baronne de Bourdic-Viot connaissait le latin, l’allemand, l’anglais et l’italien, ainsi que la musique. Elle entretenait par ailleurs des relations épistolaires avec des hommes de lettres, des écrivains, des personnages politiques tels que Voltaire, Benjamin Franklin, Thomas Jefferson ou encore Saint-Just. Elle fut la première femme à entrer à l’Académie de Nîmes en 1781 où elle est élue correspondante.

> Écouter le poème d’Henriette de Bourdic-Viot « Le Silence »

> Biographie universelle, ancienne et moderne, Volume 5 par Joseph Fr. Michaud, Louis Gabriel Michaud p. 363

 Poèmes de détenus

Marcel-Alexis Ranquet, habite le quartier Gambetta, il a vécu la période carcérale en tant que visiteur auprès des détenus. Pendant 15 ans il a accompagné et écouté ceux qui en faisait la demande, il a même lancé un atelier de poésie, « […] forme d’évasion dans ce temps circulaire »2.

> Écouter le témoignage de Marcel-Alexis Ranquet « De la poésie entre 4 murs » –  Le Réservoir à souvenirs

> Poème Matricule 2875-A D.P. Atelier de poésie Nîmes, 1988 – Maison Centrale :

Une main

Avant d’arracher quelques lambeaux de sommeil
A ma nuit,
Cette main que j’ai vue…

Une main pleine de Ligne, des doigts
Noueux, calleux ou finement manucurés,
Forme longue et tout une histoire
Sur dos nerveux et « pomme » charnue,
Enfin une main quoi !

Pas une main chaude, une moite,
Ni une vide, ni une courante, une tordue,
Une de bronze dans un gant de velours,
Ni une de maître, nie une de ma sœur,
Ni une verte, une leste, une levée,
Une plate, ni une percée,
Ni une basse, une lasse, une qui, une que…
Une en l’air ou une baladeuse,
Nie une sale, ni une qui passe,
Non !

Pas plus qu’une bénisseuse, nie une joueuse,
Pour des ombres chinoises,
Ni une qui tient,qui prend, qui menace,
Ni une dans le dos, dans le sac,
Une qui m’a fait signe une fois,
En guise de bonjour…
L’autre qui m’a montré du doigt.
…Il y a des mains ouvertes. Il y a des mains vides.

Ce sont là de simples extrémités
et je ne veux y avoir recours.

Une tendue, une donnée,
vous avez ?

Références :

1. « Une muse au fort de Nîmes : Mme de Bourdic – née Payan de l’Estang et ses admirateurs » par René Bosc p. 55-69 Le Fort de Nîmes, de la citadelle à l’université, Colloque de Nîmes 20-21 janvier 1995, Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes

2. « Passé-Prison-Mémoire et… « Quartier latin » par Marcel-Alexis Ranquet – p.121-133 Le Fort de Nîmes, de la citadelle à l’université, Colloque de Nîmes 20-21 janvier 1995, Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes