Une prison politique
Pendant la Révolution française, la « Bagarre de Nîmes » de juin 1790 oppose catholiques et protestants et cause la mort de plus de 300 personnes.
C’est le point de départ de nombreuses arrestations chez les catholiques : des nobles soupçonnés de sympathie pour l’Ancien Régime mais surtout des prêtres refusant de se rallier à la Révolution en ne prêtant pas le serment exigé par la Constitution civile du clergé. Après la proclamation de la République en 1792 puis au temps de la Terreur en 1793 et 1794 le nombre de prisonniers politiques ne cesse d’augmenter.
Trois prisons existent à Nîmes à cette époque : la maison des Capucins, la maison d’arrêt du Palais de justice et la citadelle que le directoire du département désigne pour installer les prisonniers politiques jusqu’en 1795 (fin de la Convention nationale).
> « La citadelle de Nîmes sous la Révolution et l’Empire : un lieu d’enfermement » par Anne-Marie Duport – p.71-84 – Le Fort de Nîmes, de la citadelle à l’université, Colloque de Nîmes 20-21 janvier 1995, Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes
Une prison pénale
La citadelle sert désormais de maison d’arrêt, de maison de détention et de réclusion. Mais les conditions désastreuses de détention poussent le préfet du Gard, sur autorisation du ministère de l’Intérieur, à transférer les détenus à la maison détention de Montpellier le 22 mars 1806.
Le décret du 5 juillet 1808 prévoit d’établir un dépôt de mendicité dans chaque département : la citadelle abritera celui du Gard dès novembre 1811. Après quelques travaux, ce lieu de détention accueillera les personnes accusées de mendicité ou de vagabondage qui seront notamment employées pour des travaux en lien avec la fabrique de soie et de coton de la ville.
Dès janvier 1813, la citadelle est également déclarée maison de correction, faute de locaux adaptés dans le reste du Gard. On y incarcère « […] les condamnés par voie de police correctionnelle, les détenus par voie de police administrative, les prisonniers pour dettes, les enfants à enfermer sur la demande de leur famille« 1.
> « Images d’un établissement en devenir les débuts de la maison centrale de Nîmes » par Raymond Huard – p.87-98 – Le Fort de Nîmes, de la citadelle à l’université, Colloque de Nîmes 20-21 janvier 1995, Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes
La maison centrale de détention
En mars 1820, alors que les trois maisons centrales de détention de la région sont surpeuplées (Montpellier, Embrun et Riom), le dépôt de mendicité et la maison de correction de Nîmes, quant à eux, ne remplissent que partiellement leur mission. Elles abritent au maximum 290 personnes sur les 750 que peuvent accueillir le bâtiment.
Le Conseil général décide de supprimer le dépôt de mendicité et créer une maison centrale de détention.
Les locaux sont équipés, on y aménage des préaux, des dortoirs, un réfectoire, une infirmerie, des lieux de culte… Une attention particulière est notamment portée à la construction d’ateliers puisque en plus d’occuper les condamnés et de préparer leur réinsertion éventuelle, ce travail industriel permettait à l’État de réduire les coûts de fonctionnement et à l’entrepreneur de la maison centrale de bénéficier de la vente des marchandises fabriquées.
L’effectif de la maison centrale passe de 275 à 1226 détenus entre 1820 et 1835.
Entre 1842 à 1845, on tente de remplacer les gardiens par les frères des Écoles chrétiennes. Mais l’assassinat d’un frère par un détenu met fin à l’expérience. Le jeune meurtrier de dix-neuf ans est jugé en cour d’assises et condamné à mort. Les Frères sont retirés de la maison centrale quelques temps après.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la maison centrale compte des détenus de droit commun, des détenus politiques et des résistants opposés au régime de Vichy et aux nazis. Au début de l’année 1944, sur ordre des autorités allemandes, la répression s’aggrave à Nîmes (15 personnes sont pendues à différents ponts de la ville le 2 mars 1944) et la torture devient quotidienne dans la maison centrale. Le 4 février 1944, 24 résistants des FTP (francs-tireurs et partisans) attaquent le fort Vauban et réussissent à libérer 17 patriotes.
« 21h15 : c’est l’heure de l’espoir. MARTY sonne à la grosse porte extérieure. Le gardien de connive avec la résistance ouvre, livre passage à 5 patriotes qui désarment immédiatement les 6 gardiens dans leur poste. […] Il faudra six jours et six nuits à notre convoi, harcelé par la Gestapo, la Milice, les Gendarmes, pour atteindre les camps de St-Frézal de Ventalon en Lozère »2.
À la Libération après le 25 août 1944, la prison sert désormais à enfermer les miliciens et les collaborateurs de tous poils, dont un certain nombre seront fusillés dans les semaines et mois qui suivent.
Un autre épisode marque l’histoire de la maison centrale durant l’été 1974. Comme une centaine d’autres prisons de l’hexagone, elle est touchée par une révolte collective qui dénonce l’inhumanité du système carcéral. A cette époque, en effet, c’est le régime auburnien, aussi appelé « régime de New York », qui organise la vie carcérale : les détenus travaillent la journée en groupe et sont placés en isolement en silence la nuit dans des dortoirs dénommés cages à poules. « Il s’agit d’un système de compartiments individuels à cloisonnement léger, clos d’une porte en bois percée d’un large oculus grillagé »3.
La révolte de 1974 prend différentes formes selon les établissements : « Refus de regagner les cellules et sit-in dans la cour (Riom, Muret…), occupation des toits (Fresnes, Laval…), grève de la faim (Arras…) ou encore grève du travail (Villeneuve-sur-Lot…) vont ainsi être les formes de contestations les plus répandues. Cependant, la violence va aussi parfois s’exprimer dans certaines prisons. »3
C’est ainsi que la maison centrale de Nîmes est partiellement incendiée le 20 juillet 1974 et certains bâtiments détruits à l’ouest (emplacement de l’actuel bâtiment H) et au nord (emplacement de l’actuelle Bibliothèque universitaire).
La maison centrale de Nîmes ferme ses portes le 3 juin 1991.
> Écouter le témoignage du visiteur de prison, Marcel-Alexis Ranquet, « L’évasion du hollandais » – Le Réservoir à souvenirs
> Écouter le témoignage du visiteur de prison, Marcel-Alexis Ranquet, « La visite au gitan » – Le Réservoir à souvenirs
> Portrait de TORREILLES Roger, Jacques, Olivier [écrit aussi « TOREILLES »], alias « commandant Marcel » pseudonyme des FTPF sur le site Dictionnaire biographique mouvement ouvrier, mouvement social.
> « Le fort Vauban pendant la Seconde Guerre Mondiale » par Armand Cosson – p.105-119 – Le Fort de Nîmes, de la citadelle à l’université, Colloque de Nîmes 20-21 janvier 1995, Société d’Histoire Moderne et Contemporaine de Nîmes
> « L’ami de la religion journal et revue ecclésiastique, politique et littéraire » Tome 116ème 1843 p. 123-124 – Diocèse de Nîmes
> « Les mutineries de l’été 1974 et la réforme de 1975 » site Criminocorpus
Référence :
1. CAUE du Gard Le Fort de Nîmes ou le défi de transformer une forteresse en université – Quelques pistes pour la classe – avril 2010
2. Evasion du 4 février 1944 – Notes de Marcel rédigées par le Capitaine Roger Torreilles E.M. 16ème Région Montpellier dit « commandant Marcel » des FTPF (FFI) -p.4-5. Copie confiée à Jean-Pierre Ricard, auteur de « Traversières de hasard« .
3. « Traversières de hasard Mémoires d’un directeur de prison » par Jean-Pierre Ricard, ancien directeur de prison et surveillant à la maison d’arrêt de Nîmes – p.61-73 – Editions du Panthéon – juin 2019